Une peine minimale excessivement sévère
1 an de peine privative de liberté au minimum : telle est la peine que risquent les chauffards depuis le 1er janvier 2013, ensuite de l’entrée en vigueur progressive des mesures Via sicura (au nombre d’une vingtaine incluant également l’obligation de circuler avec les phares allumés, dès 2014).
La peine maximale étant de quatre ans, l’on parle bien d’un crime et non d’un simple délit (même si l’on parle souvent de « délit de chauffard » dans le langage courant, y compris dans le langage du Conseil fédéral).
La modification de la LCR ayant donné lieu à l’institution de cette infraction a été grandement critiquée pour sa disproportion.
Cette disproportion est flagrante lorsque l’on examine la nature des infractions du Code pénal passibles d’une peine minimale d’un an de privation de liberté :
- viol
- brigandage (armé)
- graves cas d’extorsion et chantage
- traite d’êtres humains (par métier ou portant sur des mineurs)
- enlèvement et séquestration aggravés
- prise d’otage
- certains crimes créant un danger collectif
- fabrication de fausse monnaie
- crimes contre l’humanité ou de guerre de moindre gravité
- crimes contre l’état et la défense nationale.
Dans tous ces cas, un avocat doit obligatoirement défendre la personne poursuivie.
En outre, à cette peine minimale s’ajoute celle d’un très lourd retrait de permis de deux ans au moins, sans possibilité, non-plus, de faire usage du pouvoir d’appréciation.
Cet aspect de « double peine » permet donc de dire que, globalement, la sanction minimale est plus forte à l’égard des chauffards qu’à l’égard des auteurs des autres infractions listées ci-dessus (bien que, concrètement, les juges aillent bien plus facilement au-delà d’un an pour ces infractions que pour celle de chauffard).
L’infraction de chauffard : de quoi parle-t-on ?
Le l’infraction de chauffard ne constitue qu’une partie de l’ensemble des mesures Via sicura (une vingtaine au total).
Il s’agit de l’infraction prévue à l’art. 90 al. 3 LCR qui vise « celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles ».
L’alinéa suivant précise que cette disposition est toujours applicable dès les excès de vitesse suivants :
- 40 km/h, là où la limite était fixée à 30 km/h;
- 50 km/h, là où la limite était fixée à 50 km/h;
- 60 km/h, là où la limite était fixée à 80 km/h ;
- 80 km/h, là où la limite était fixée à plus de 80 km/h.
La loi ne laisse donc apparemment plus de marge de manœuvre au juge dans ces cas.
Pas de marge de manœuvre du juge ?
Une marge d’appréciation du juge a fini par être reconnue par le Tribunal fédéral, bien qu’elle demeure restreinte et réservées aux circonstances inhabituelles.
Dans de telles circonstances inhabituelles, le Tribunal fédéral a considéré que le juge ne pouvait se passer d’examiner si, en plus d’un tel excès de vitesse, l’auteur aurait « accepté de courir un grand risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort » (ATF 142 IV 137, jurisprudence confirmée dans une autre affaire TF 6B_700/2015 du 14 septembre 2016).
Techniquement, le Tribunal fédéral avait considéré que l’infraction de chauffard est régie par l’art. 90 al. 3 LCR, l’alinéa 4 ne faisant que donner des cas exemplatifs.
Dans de tels excès de vitesse, le Tribunal fédéral a estimé que la loi ne faisait ainsi que présumer la réalisation de cette condition dans les excès de vitesse susmentionnés, mais cette présomption pouvait être renversée (l’on parle de présomption « réfragable »).
Néanmoins l’examen du cas de la seconde affaire traitée par le Tribunal fédéral et l’issue de cette affaire rappelle à quel point cet examen est exceptionnel.
Dans cette affaire, un excès de vitesse à 97 km/h a été constaté dans une zone limitée à 40 km/h. Il s’agissait toutefois du tronçon limité avant la douane franco-suisse de Bardonex (GE) où le ralentissement de vitesse autorisée était rapide et plutôt insolite, comme il prenait place sur un tronçon autoroutier (cliquer pour voir l’emplacement via Google Street)). La configuration des lieux (autoroute à 3 voies avec bonne visibilité et sans piétons) permettait de douter de la réalisation de la condition susmentionnée.
Quoi qu’il en soit, le plaisir ne fut que de courte durée, car le Tribunal fédéral, saisi d’un second recours dans cette même affaire, avait fini par confirmer la condamnation (TF 6B_174/2017 du 30 novembre 2017).